Préoccupée par la tension montante autour des manifestations montréalaises, j’ai suivi l’autre soir un #hashtag sur Twitter suivant les manifestations. Après une heure de veille assidue, j’ai abdiqué. Troublée non pas par le rythme défilant mais de constater que moins d’une douzaine de twitteurs dominaient la filée de paroles souvent acerbes et fortement biaisées. De plus, en cliquant sur les liens proposés, j’ai constaté qu’ils menaient à peu près tous vers une source unique : la vidéo en direct d’une manifestation livrée par un média « officiel » qui n’offrait ni l’objectivité ni la rigueur journalistique attendue pour un tel reportage.
Une perspective limitée et biaisée
La vidéo en question ne valorisait qu’un seul point de vue, celui du camp préféré par le média diffuseur. Le duo commentateur-caméraman épiait minutieusement tous les gestes des tenants du camp opposé, en espérant avidement un faux pas, ou mieux, un dérapage qui gonflerait inévitablement le nombre de visionnements. Pour l’obtenir, on provoquait de façon à peine voilée, on haussait le ton pour attiser la tension, puis on rediffusait tout avènement, exagéré ou non, en ou hors contexte, sans validation ni hésitation.
L’information diffusée ne proposait que de l’instantanée non réfléchi. On n’y trouvait que de l’information crue diffusée dans un langage permettant de douter du souci de qualité des « reporters ». Ceux-ci semblaient plus épris de leur propre visibilité que préoccupés par les scènes troublantes devant eux. Préférant sensationnaliser l’odieux – en s’assurant de le faire porter par les tenants du camp opposé – plutôt que de rapporter les faits objectivement. Bel écart du journalisme crédible!
Pouvoir et responsabilité
La diffusion de l’information par les réseaux sociaux démocratise les communications et accorde une large part de pouvoir à monsieur et madame tout-le-monde. Ceci comporte d’énormes avantages qui en justifient la raison d’être, ne serait-ce que de ramener à l’ordre les manipulateurs de grands média et les politiciens, entre autre. Toutefois, cette démocratisation engendre aussi quelques sérieux travers dont une ouverture béate à la diffusion irresponsable et irréfléchie qui enflamme souvent faussement les perceptions.
Il s’avère préoccupant de constater que certains adeptes des réseaux sociaux ne croient plus qu’en la tendance selon Twitter ou Facebook, peu importe qui la fabrique. Dans la Twittosphère par exemple, la gloire de la tendance revient souvent à ceux qui dominent le #hashtag, qui accumulent les abonnés ou qui twittent fréquemment sinon frénétiquement, qu’ils soient crédibles ou non.
Devant toute cette information servie crue provenant de milliers de sources, il revient à chacun de faire le tri. Il revient à l’individu, seul avec lui-même, d’oser questionner, de défier les prétentions et de comparer avec d’autres sources pour séparer le bon grain de l’ivraie. Pour éviter de sombrer dans le filet de la propagande mensongère ou incendiaire, chacun a désormais et plus que jamais la responsabilité de forger sa propre opinion quoique disent les médias, sociaux ou autres.
Il semble qu’à l’ère des communications on ne peut plus sociales, on n’ait jamais été aussi personnellement responsable.
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À LIRE en guise de suivi – un bon article de Nathalie Collard dans La Presse: http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/conflit-etudiant/201206/10/01-4533458-conflit-etudiant-dans-les-medias-trop-dopinions-pas-assez-danalyses.php